Contexte historique de la Médecine de Montagne


Le 8 août 1786, à 6 h 23 de l’après-midi, le docteur Michel-Gabriel Paccard et Jacques Balmat atteignent le sommet du Mont-Blanc. Les malaises qu’ils ressentent en effectuant cette première ascension du plus haut sommet des Alpes sont attribués "à la chaleur et à la stagnation de l’air". L’année suivante, Horace Benédict de Saussure, géologue et physicien, atteint à son tour le sommet. “J’ai souvent conduit -dit-il- des paysans, d’ailleurs très robustes, qui, à une certaine hauteur, se trouvaient tout d’un coup incommodés, au point de ne pouvoir absolument monter plus haut ; et ni le repos, ni les cordiaux, ni le désir le plus vif d’atteindre la cime de la montagne ne pouvaient leur faire passer la cime de la montagne ne pouvaient leur faire passer cette limite. Ils étaient saisis, les uns de palpitations, d’autres de vomissements, d’autres de défaillances, d’autres d’une violente fièvre et tous ces accidents disparaissaient au moment où ils respiraient un air plus dense.“

Le 3 mai 1978, près de deux siècles après les vainqueurs du Mont-Blanc, et 4000 mètres plus haut, Reinhold Messner et Peter Habeler arrivent au sommet de l’Everest, sans apport artificiel d’oxygène. "Voilà, je n’ai plus besoin de monter... Après des heures d’un supplice à peine conscient, maintenant que j’ai échappé au rythme monotone de l’ascension et n’ai plus rien d’autre à faire qu’à respirer, un grand calme envahit mon corps. Comme si j’avais couru ma vie et savais que j’allais pouvoir me reposer pour toujours... L’esprit absent, je ne m’appartiens plus à moi-même, je ne suis qu’un poumon unique, étroit, haletant, qui plane au-dessus des cimes et des brouillards."

Entre ces deux premières dont l’intérêt médical égale l’exploit sportif, l’alpinisme se développe sous des formes variées. Tout est possible, du randonneur alpin gambadant par la course sur le GR5 aux acrobates de l’escalade libre du Yosemite, en passant par la course classique de la Verte ou des Droites, le tour des Annapurnas, le circuit rouge de Fontainebleau.

La Varappe ou l’alpinisme en basse altitude ne posent guère de problèmes médicaux spécifiques. Par contre, dès que l’homme dépasse 3000 mètres, tout effort lui impose une contrainte nouvelle : l’oxygène vient à manquer. Certes, les capacités physiques sont diminuées, mais de plus, l’homme peut être incommodé, tomber malade, voire perdre la vie.

Les biologistes, physiologistes et autres adaptationnistes se sont précipités, tubes à essai, enregistreurs, microscopes et ergocycles sur le dos, à la conquête de “l’air subtil“ et de ses secrets.

Comment faire pour étudier les effets de l’hypoxie (il faut dire enfin le mot) sur l’organisme ?

Comment comprendre, fait encore plus excitant, qu’un homme porté en quelques minutes à 6000 mètres tombe dans le coma, alors que le même sujet, après une montée progressive de quelques jours, peut gravir des pentes abruptes à plus de 8000 mètres.

Tout d’abord, les hommes de science sont montés en ballon, mais les expériences furent souvent tragiques. Paul Bert, dans les années 1870, fut le premier à réaliser des expériences en caisson (sous “cloche“ disait-il). Il démontra que les troubles observés en altitude étaient liés à la diminution de l’oxygène et disparaissaient par l’inhalation de ce même gaz.

Des laboratoires s’installèrent en altitude et fournirent des conditions de travail bien meilleures pour les physiologistes : Barcroft Laboratory (3800 m, Canada), Pikes Peak (4300 m, Colarodo), Mount Logan (5300 m, Canada), La Paz (3800 m, Bolivie), Jugfranjoch (3400 m, Suisse), Monte Rosa (4400 m, Italie), en Inde, etc.

L’étude des populations vivant depuis des siècles en altitude, bien que constituant un domaine à part, a souvent été menée parallèlement à celle des sujets natifs du niveau de la mer, transplantée en altitude. Andins et Sherpas nous ont souvent étonné par leur vigueur alors que nous avancions péniblement sur les chemins du Pérou ou du Népal.

Pour étudier les effets d’une altitude supérieure à 5000 m, il reste trois moyens : 1- faire respirer un mélange gazeux hypoxique : peu pratique, limité à des études de très courte durée ; 2- utiliser des caissons dépressurisées : confortable sur le plan scientifique mais très cher et peu agréable ; 3- organiser des expéditions scientifiques en haute altitude : peu confortable sur le plan scientifique, cher, mais tellement fascinant !

Une grande expédition anglo-américaine en 1960-1961 installée pour 6 mois dans la “Silver Hut“ (la cabane d’argent) au pied de l’Ama Dablam, fait faire un bon considérable dans les connaissances de la physiologie et de la médecine de l’altitude. Les participants de cette épopée restent les leaders dans le domaine : G. Pugh, S. Lahiri, M. Ward, J. Milledge, M. Gill et J. B. West.

Charles Houston, quant à lui, ne dédaigne pas la montagne puisqu’on le voit à la Nanda Devi, au K2, à l’Everest. Il organise en 1947 et en 1983 des études complètes en caisson, simulant une ascension à l’Everest. Il décrit le premier avec précision le mal des montagnes sous tous ces aspects.

A l’automne 1981, au Népal, deux expéditions scientifiques médicales atteignent, à quelques jours d’intervalle, le faîte de deux sommets himalayens. La première dirigée par John B. West (encore lui !) réussit l’exploit de prélever des échantillons de gaz alvéolaire au sommet de l’Everest (8848m). L’autre, beaucoup plus modeste, se contente du Numbur Peak (6956 m).
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